L’avenir des relations EU-Turquie : une nouvelle puissance aux frontières de l’Europe

Je veux revenir cette semaine sur le cas de la Turquie et de sa relation avec l’Europe dans les années à venir.

Pour le moment, la Turquie n’est pas une grande puissance – 17ème PIB mondial, 69ème IDH mondial. Cependant, il est attendu que le pays devienne un acteur majeur du monde à venir. Quelles sont les raisons de cette puissance à venir ? Quelles doivent-être les relations Turco-Européennes en prévision de ce nouvel état de fait ? The European Adviser vous propose ses éléments de réponse dans cet article.

Les piliers de la puissance Turque

Sa position géographique

Turquie
La position géographique de la Turquie est un atout pour le pays

La Turquie est idéalement située sur la bordure Sud de la Mer Noire, donc directement au sud de l’Ukraine. Elle a un pied en Europe à la frontière Grecque. C’est un avantage inouï, car cela lui permet de contrôler le détroit du Bosphore. Ainsi, une flotte Ukrainienne (ou Russe) ne pourrait se rendre en Méditerranée qu’avec l’accord des Turcs. Inversement, une marine Méditerranéennes (européenne) ne pourrait pas s’approcher de la Russie sans l’autorisation de la Turquie.

Le pays est situé au nord de la région du Levant, aujourd’hui le centre de troubles majeurs. Il est impossible d’espérer apaiser la région sans l’aide de la Turquie, d’ailleurs pays le plus stable – et peut-être le plus démocratique – de la zone. Ainsi la Russie, attaquant les rebelles en Syrie, a perdu des avions qui avaient pénétré le ciel Turc sans autorisation. Au final, les russes ont préféré retirer leurs troupes de la région.

Une puissance économique en devenir

Si la Turquie n’est pas, à l’heure actuelle, en mesure de rivaliser avec l’Europe, elle pourrait arriver dans un futur proche à menacer le continent. On l’a dit plus haut, le pays est stable, malgré le risque terroriste important. L’avantage, si j’ose dire, de l’autoritarisme grandissant du gouvernement, c’est qu’il offre au pays une certaine stabilité, ce qui est toujours bon pour l’économie.

Les jeunes qui vont entrer dans le marché du travail sont compétents, bien formés, et pour certain, ont fait des études en Europe.

Enfin, le marché turc est énorme (79 414 269 habitant en 2015) et déjà, la croissance du pays, malgré un fort fléchissement après 2014 (+8,5 % en 2011, +2,9 % en 2014) rendrait envieuse nos économies occidentales.

Sur un plan économique donc, la Turquie a tout pour réussir. De plus, il faut garder en tête le vieillissement dramatique de l’Europe. Pour faire marcher ses industries, pour payer ses retraités, le continent va avoir besoin de main d’œuvre extérieure. Une grande part de celle-ci sera d’origine Turque.

Une force politique ambiguë

Politiquement, la Turquie est très importante pour l’Europe. Si elle ne l’est pas encore, elle le deviendra très vite. Sa force est intimement liée à sa position géographique. Le pays est un lien entre l’occident et le Proche-Orient. De la relation de l’Europe avec la Turquie dépend la nature de ce lien. Sera-t-il un mur entre deux civilisations ou une zone d’échange ?

Si nous voulons éviter l’embrasement du Levant une nouvelle fois, l’échange doit prévaloir. En somme, la diplomatie européenne aura à cœur d’améliorer ses relations avec la Turquie pour pouvoir accéder facilement au Proche-Orient.

Notons cependant la tendance autocratique du gouvernement turc. Il est primordial pour l’Europe  de peser de toutes ses forces pour préserver la démocratie et l’Etat de Droit en Turquie. Sans cela, il deviendra à l’avenir extrêmement compliqué, sinon impossible, de traiter avec les turcs.

 

Ainsi, pour toutes ces raisons – géographiques, économiques et politiques –, la Turquie nous semble être une puissance en devenir. La question qui se pose désormais est de savoir quelle doit être l’action de l’Europe face à la montée de la Turquie.

 

La diplomatie Turco-Européenne

Réchauffer les relations

Dans un premier temps, il s’agit d’améliorer les relations entre les deux entités. On le sait, celles-ci ne sont pas au beau fixe. D’un côté les Européens voient les turcs comme de dangereux autocrates (les récents événements politiques en donnent une indication). Il faut aussi admettre qu’une Europe à majorité chrétienne est réticente à discuter avec un pays musulman, le plus laïc soit-il.

De l’autre côté, les turcs se sentent trahis par l’Europe. Combien de fois leur a-t-on refusé l’entrée dans l’Union ? et pour quels prétextes ? S’il est désormais acquis qu’il est impossible que la Turquie entre un jour dans l’UE, on imagine cependant sans mal l’état d’esprit des Turcs, promis à la modernité occidentale et renvoyés à leur identité de pays musulman. Il n’est pas étonnant, d’ailleurs, que le pays se tourne vers un islam plus intégriste, que la laïcité recule.

L’Europe à fort à faire pour retrouver une bonne entente avec la Turquie. A commencer par s’interroger elle-même : doit-on considérer les frontières du continent européen sur une base religieuse ? Croire que l’Europe est une terre chrétienne est une erreur monumentale qui pourrait nous coûter très cher.

Promouvoir la démocratie

Recep Tayyip Erdogan
Le Président turc, Recep Tayyip Erdogan

Ensuite, il faudra s’attaquer à la dérive autoritaire du gouvernement turc. Il n’est pas possible que l’Europe puisse tolérer que l’on emprisonne des journalistes, que l’on maltraite des minorités en Turquie. Au sujet de l’Etat de Droit et des Droits de l’Homme, l’Europe doit se montrer intraitable et forcer la Turquie à respecter ses engagements.

L’UE est en position de force, mais plus pour longtemps. Réglons ce problème tant que nous avons l’avantage. Il sera bien plus facile ensuite de traiter avec un pays démocratique, même si l’Europe perd de son influence (qui est, par définition, changeante et relative).

Un statut particulier pour la Turquie

En plus de cela, pourquoi ne pas accorder un statut spécial au pays ? Pas tout à fait dans l’Europe, mais pas en dehors non plus. Cette situation va profiter aux deux parties : le dynamisme économique de la Turquie va se développer au contact du marché Européen, l’Europe pourra profiter de la main d’œuvre turque et des faibles coûts de production du pays. En plus d’améliorer les relations économiques, les deux cultures deviendrons poreuses, ouvrant l’Europe à l’Orient, accélérant l’Occidentalisation de la Turquie. Enfin, à plus long terme, c’est encore un moyen d’influencer positivement le pays.

 

J’ose espérer que la montée en puissance de la Turquie correspondra à la période ou ses relations avec l’UE seront normalisées. Ainsi l’Europe vieillie pourra bénéficier d’un allier puissant, d’un partenaire économique solide et d’un pont d’entrée dans le Proche-Orient, ouvrant la voix à de nouvelles possibilités pour le continent européen.

 

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